1)   INTRODUCTION :

François Doyon La Rochelle : Bienvenue à Sujet Capital, un Balado mensuel à propos de la gestion passive de portefeuille et de la planification financière et fiscale pour les investisseurs à long terme.

Vos hôtes pour ce Balado sont James Parkyn et moi-même François Doyon La Rochelle, tous deux gestionnaires de portefeuilles avec PWL Capital.

Au programme aujourd’hui pour l’épisode #60 :

Pour notre premier sujet, nous passerons en revue Les leçons d'investissement de 2023.\

Et ensuite, pour notre sujet principal, nous ferons la revue du livre “The Price Of Time” par Edward Chancellor

Bonne écoute !

2)   LES LEÇONS D’INVESTISSEMENT DE 2023:

François Doyon La Rochelle : Je vais commencer. Dans notre dernier podcast, le #59, on a examiné les résultats des marchés des capitaux pour 2023 et, ce faisant, on a souligné les principaux événements économiques et géopolitiques qui, selon nous, ont façonné les résultats des marchés des capitaux l'année dernière. Ceci dit, chaque année apporte des leçons précieuses aux investisseurs pour nous aider à rester disciplinés et concentrés sur le long terme et éviter d'être déroutés par le bruit à court terme. Donc, James, comme on le fait à chaque année, passons en revue les leçons d'investissement de 2023.

James Parkyn : Effectivement François, dans ce premier segment on va passer en revue les leçons 2023 de Larry Swedroe. Il est le responsable de la recherche financière et économique chez Buckingham Strategic Wealth aux États-Unis. Il est une figure éminente de la finance et de l'investissement. On le cite souvent pour son travail d'éducation auprès des investisseurs sur les avantages de l'investissement fondé sur des données probantes. Au fil des ans, il a écrit ou coécrit 16 livres expliquant en termes simples la science de l'investissement. Mon collègue Cameron Passmore et moi-même on a même aidé M. Swedroe à adapter son livre "Playing the Winner's Game" au marché canadien il y a une dizaine d'années. 

François Doyon La Rochelle : Sur une note personnelle, je peux ajouter James que j'ai même eu le privilège de faire du rafting avec lui et d'autres collègues du PWL lorsqu'il est venu nous rendre visite il y a quelques années. Il adore le rafting ; je me souviens qu'il m'avait dit que chaque fois qu'il partait pour un voyage dans une nouvelle région, il se renseignait sur les possibilités d’y faire du rafting. Ceci dit, on va maintenant passer en revue les 12 leçons que le marché a apprises aux investisseurs en 2023, selon lui. Comme il le mentionne, il y a un bon nombre de ces leçons se répètent d’année en année, mais il semble que les investisseurs aient tendance à les oublier et à ne pas les retenir. En passant, on va mettre un lien vers son article dans le podcast.

La leçon n° 1 est la suivante : Personne n'est très doué pour établir systématiquement des prévisions de marché correctes.

James Parkyn : On l’a déjà dit par le passé à nombreuse reprises, il est très difficile de faire des prévisions exactes et 2023 n'a pas dérogé à la règle. Larry Swedroe a examiné les prévisions de 23 analystes de grandes sociétés d'investissement pour 2023 et leurs prévisions pour le S&P500 allaient de -5 % à +24 %, avec une prévision moyenne de +6 %. Comme nous le savons maintenant, le S&P500 a terminé bien plus haut, avec un rendement de 26,4 % en 2023. Ça représente une différence de près de 20 points de pourcentage avec l'estimation moyenne.

François Doyon La Rochelle : Oui et l'année 2023 n'est pas l'exception en matière de mauvaises prévisions. L'article fournit un graphique montrant les estimations médianes des stratèges pour le S&P500 par rapport aux rendements réels depuis 2018 et vous pouvez clairement voir qu'il y a une très grande différence entre les estimations médianes et les rendements réels. J'ai calculé que la différence moyenne sur les six années de 2018 à 2023 était très importante à 17,8 points de pourcentage.

James Parkyn : Eh bien François, si on essaye de gérer son portefeuille en écoutant les conseils des stratèges du marché qui font des prévisions, bonne chance !

Dans notre dernier podcast, on a parlé des « Magnificent Seven », les Sept Magnifiques, dans notre analyse du marché en 2023. Il est intéressant de noter que Larry Swedroe a un point de vue différent sur ces titres.

Ça nous amène à sa leçon n°2 : les Sept Magnifiques devraient peut-être s'appeler les Trois Magnifiques.

Fondamentalement, il reconnaît que les Sept Magnifiques ont enregistré d'énormes rendements en 2023, mais il souligne que trois d'entre eux (Tesla, Google et Amazon) ont terminé l'année en dessous de leurs cours de clôture de 2021. Seules trois d'entre eux (Apple, Microsoft et NVIDIA) ont réussi à battre le rendement des bons du Trésor à un mois, un actif sans risque, qui ont rapporté 3,2 % au cours de la même période.

François Doyon La Rochelle : C'est un bon point qu'il apporte, on peut regarder et analyser les performances du marché de différentes façons. On peut facilement affirmer que l'indice S&P500 a eu un superbe rendement en 2023, mais en même temps on peut aussi dire qu'il n'a fourni aucun rendement entre le 31 décembre 2021 et 31 décembre 2023, à l'exception des dividendes, puisqu'il a clôturé à peu près au même niveau les deux années. 

Ceci nous amène à la leçon n° 3 : les valorisations ne peuvent pas être utilisées pour anticiper les marchés, pour faire du market timing.

James Parkyn : Il s'agit d'une leçon classique. Les valorisations des actions américaines se situaient à des niveaux historiquement très élevés au début de l'année 2023, en particulier pour les titres de croissance. Si vous étiez resté sur les côtés, en encaisse, à cause de cette surévaluation, vous auriez manqué des gains extraordinaires. Ce n'est pas nouveau : il y a près de 20 ans, en décembre 1996, Alan Greenspan, l'ancien président de la Fed, avait utilisé les termes « Irrational Exuberance » ou en français exubérance irrationnelle pour mettre en garde les investisseurs contre les valorisations élevées des actions. Bien que les valorisations des actions aient été élevées au moment de son discours, les prix des actions ont continué à augmenter pendant encore quatre ans. Durant cette période, l'indice S&P500 a plus que doublé.

François Doyon La Rochelle : En effet il ne faut pas transiger activement sur la base des évaluations des actions, mais c’est quand même une information pertinente mais ça dépend comment on l’utilise. Chez PWL, notre équipe de recherche utilise les évaluations boursières pour estimer les rendements futurs attendus mais sur le long terme.

James Parkyn : Leçon n° 4 : Il faut de la discipline pour maintenir le cap pendant les périodes de faible performance, comme c'est le cas pour tous les actifs à risque.

François Doyon La Rochelle : Je pense que nos auditeurs réguliers savent maintenant que ça fait partie de notre mantra. Pour bénéficier des avantages d'investir en actions, vous devez faire preuve de discipline et maintenir le cap autant durant les bonnes périodes que dans les périodes plus difficiles.

La prochaine leçon que Larry partage avec nous est la leçon n° 5 : les actifs peu performants ont des mécanismes d'auto-guérison.

James Parkyn : C’est une leçon très importante. Il explique que lorsque les cours des actions baissent, les investisseurs ont le réflexe de vendre ou d'éviter d'acheter. Cependant, il nous rappelle que lorsque les prix des actions baissent, les rendements espérés futurs sont maintenant plus élevés. Il poursuit en citant Warren Buffett et je cite : "Soyez craintifs lorsque les autres sont avides et soyez avides lorsque les autres sont craintifs". C'est facile à dire mais pas facile à faire.

François Doyon La Rochelle : Leçon n° 6 : même avec une boule de cristal, les marchés sont imprévisibles.

Le point qu'il soulève ici est intéressant. Si vous aviez eu une boule de cristal au début de l'année 2023 pour voir les principaux événements géopolitiques et économiques qui allaient se produire au cours de l'année, je pense que la plupart des investisseurs auraient liquidé leurs portefeuilles étant donné toutes les nouvelles négatives.

James Parkyn : J Je suis tout à fait d'accord avec Larry sur ce point, François. Je l'ai mentionné dans notre dernier podcast, les marchés ont surpris tout le monde l'année dernière malgré toutes les nouvelles financières négatives.

Voyons maintenant la leçon n° 7 : Ne pas laisser la politique influencer les décisions d'investissement

François Doyon La Rochelle : Je pense que cette leçon reflète en quelque sorte le fait que nous sommes confrontés à de nombreuses élections cette année dans les principaux pays du monde, et plus particulièrement aux États-Unis. Avec cette leçon, il avertit les investisseurs de se méfier de leurs croyances et de leurs préjugés, car ils influencent leur prise de décision et elles sont à l'origine d'erreurs dans la gestion des portefeuilles. Il nous rappelle de ne pas tenir compte de nos opinions politiques lorsque nous prenons des décisions d'investissement. Je pense que c’est particulièrement vrai pour les investisseurs américains qui sont confrontés à des élections fédérales qui vont être très difficiles cette année.

James Parkyn : La prochaine leçon est le n° 8 : la plupart des rendements ont été obtenus sur de courtes périodes

Nous avons mentionné dans notre dernier podcast que la majeure partie des rendements de l'année dernière a été générée au cours des deux derniers mois de l'année. C'est vrai en 2023 pour la plupart des marchés des actions et encore plus vrai pour le marché obligataire. L'histoire démontre que les rendements des marchés sont généralement générés sur de courtes périodes, et l'année 2023 n'a donc rien d'exceptionnel.

François Doyon La Rochelle : Oui, et Larry souligne dans son article que de 1927 à 2023, soit 97 ans, le S&P500 a enregistré un rendement annuel de 10,3 %. Toutefois, si on enlève les 97 mois qui ont enregistré les rendements les plus élevés au cours de cette période, les 1 067 mois restants n'ont généré qu'un rendement annualisé de 0,01 %. Ça veut dire que seulement 8 % des mois, ceux qui ont enregistré les rendements les plus élevés, ont généré 100 % de la performance sur la période de 97 ans.

James Parkyn : C'est exactement la raison pour laquelle nous disons qu'il faut rester investi dans le marché pour profiter des rendements des marchés des capitaux. En Anglais on dit “It’s time in the market not timing the market. » 

Ça nous amène à la leçon n° 9 : Les gagnants de l'année dernière ont autant de chances d'être les perdants de cette année.

Il nous rappelle que les investisseurs individuels sont des chasseurs de performance, qu'ils achètent les gagnants d'hier et vendent les perdants d'hier. J'en parle dans mon blog le plus récent, publié sur notre site Web Sujet Capital, où j'aborde à la fois le biais de récence et le biais de rétrospection.

François Doyon La Rochelle : Après les performances phénoménales du marché boursier américain au cours de la dernière décennie, il y a beaucoup d’investisseurs qui se demandent pourquoi continuer à investir dans d'autres marchés d'actions. Il y a une réponse simple à ça et c’est de leur rappeler la décennie perdue sur les marchés des actions américaines. Il faut se souvenir que du début de l'année 2000 à la fin de l'année 2009, l'indice S&P500 a généré un rendement annualisé négatif de 0,95%.   

Maintenant la leçon n° 10 : la gestion active est perdante, que les marchés soient haussiers ou baissiers.

James Parkyn : Dans quelques semaines, lorsque le rapport SPIVA (S&P Indexes versus active) sera publié pour 2023, on va être en mesure de confirmer si la gestion active a réussi à surpasser les indices passifs en 2023. Cependant ne retenez pas votre souffle, je ne m'attends pas à des surprises. Je pense que les gestionnaires actifs auront à nouveau sous-performé les indices.

François Doyon La Rochelle : Je suis tout à fait d'accord James, si un gestionnaire actif n'a pas inclus les Sept Magnifiques dans son portefeuille, il y a de fortes chances qu'il ait sous-performé.

James Parkyn : Leçon 11 : La diversification fonctionne toujours ; les résultats sont parfois satisfaisants, parfois non.

Ça nous ramène à ce que tu as mentionné plus tôt, François, au sujet de la surperformance des marchés boursiers américains. Leur surperformance par rapport aux marchés canadiens, internationaux développés et émergents au cours de la dernière décennie, et plus particulièrement l'année dernière, nous amène à nous interroger sur les avantages de la diversification. Cependant, il y aura toujours un secteur, un pays ou autre chose qui surpassera votre portefeuille au cours d'une année donnée. Comme le dit Larry Swedroe, et je le cite, "le bruit des médias mettra alors à l'épreuve votre capacité à adhérer à votre stratégie".

François Doyon La Rochelle : Oui, et lorsque ça se produit, lorsque votre discipline et votre patience sont mises à l'épreuve, il faut se rappeler les raisons pour lesquelles vous avez correctement diversifié votre portefeuille en premier lieu. A ce moment la raison était de réduire le risque sans réduire les rendements espérés à long terme de votre portefeuille. Même en 2023, un investisseur en actions américaines pourrait être mécontent de ne pas avoir placé tous ses œufs dans les Magnificent Seven.

Enfin, leçon n° 12 : les grandes innovations ne sont pas toujours de bons investissements.

James Parkyn : Pour cette leçon, Larry Swedroe met en lumière la débâcle de certaines entreprises de premier plan qui étaient autrefois considérées comme des pionniers de l'innovation. Il poursuit en énumérant certaines de ces entreprises. Mais plus près de nous, j'ai un excellent exemple de cette leçon. Il faut juste remonter à 2018, lorsque le gouvernement fédéral a légalisé la marijuana. Tout le monde voulait avoir sa part du gâteau.  Mais la plupart des investisseurs se sont brûlés. Pour mettre un peu de couleur, si on regarde le Marijuana Life Science ETF d'Horizon, qui a été lancé pendant l'engouement en 2017, il n'a jamais eu une seule année civile de performance positive. Sa performance annualisée depuis sa création est négative de 16,21 % par an au 31 janvier 2024.

François Doyon La Rochelle : C'est incroyable, je ne m'attendais pas à ça. Cependant l'histoire est pleine d'anecdotes comme ça. Ce qui est important c’est qu’il faut apprendre de ça, de tirer des leçons et d’être prudent la prochaine fois qu’une de ces folies va survenir. Je pense que toutes les leçons que Larry a partagées dans son article vont dans le même sens de ce en quoi nous croyons dans le cadre de notre philosophie d'investissement.

James Parkyn : François, je voudrais rappeler à nos auditeurs que dans le podcast de l'année dernière sur les leçons d'investissement de 2022, nous avons souligné que personne ne peut prévoir l'avenir. Nous avons recommandé aux auditeurs de ne pas prêter attention à toutes les prévisions et perspectives pour 2023.  Avec le recul, on peut dire que ça a bien fonctionné pour les investisseurs qui ont ignoré le bruit et maintenu le cap en 2023. Les investisseurs sont conditionnés à croire que les experts financiers peuvent prédire l'avenir. Le secteur de l'investissement encourage activement cette croyance.

François Doyon La Rochelle : Je pense qu'il serait utile James que je répète une citation de Morgan Housel, l'auteur du livre "The Psychology of Money", qui figure également dans le podcast de l'année dernière sur les leçons d'investissement de 2022 et je site : "Le pessimiste semble toujours plus intelligent que l'optimiste parce que l'optimiste ressemble à un argumentaire de vente alors que le pessimiste ressemble à quelqu'un qui essaie de vous aider".  L'avenir est incertain et donc il est effrayant.

James Parkyn : Un coup d'œil sur l'histoire récente des marchés plaide en faveur de la poursuite de votre plan d’investissement. Des rebonds spectaculaires comme ceux qu’on a connus en 2023 après les fortes baisses de 2022 nous rappellent très clairement que les investisseurs doivent rester disciplinés et se concentrer sur le long terme et ne pas se laisser décourager par les bruits à court terme. C'est le seul moyen fiable de profiter des avantages à long terme offerts par les marchés.

François Doyon La Rochelle : On veut aussi rappeler à nos auditeurs James qu'ils doivent avoir une "mentalité d'investisseur" et continuer à acheter et à détenir des investissements avec une mentalité de propriétaire.

C'est notre mantra.

3)   LA REVUE DU LIVRE “THE PRICE OF TIME” PAR EDWARD CHANCELLOR:

Francois Doyon La Rochelle : Pour la prochaine partie de notre podcast, on va examiner un livre qu’on recommande fortement à tous nos auditeurs. James, veux-tu commencer ?

James Parkyn : Bien sûr, François. Je pense qu’un des meilleurs livres économiques que j'ai lus récemment est " The Price of Time : The Real Story of Interest " (Le prix du temps : la véritable histoire de l'intérêt) par l'historien économique britannique et journaliste financier Edward Chancellor.

Francois Doyon La Rochelle : Alors, James, pourquoi penses-tu que c'est un livre à lire absolument pour nos auditeurs ?

James Parkyn : J'ai vraiment apprécié ce livre parce qu'il retrace l'histoire économique des taux d'intérêt. Plus précisément, il aborde un thème d'investissement clé sur les marchés actuels, à savoir la façon dont les taux d'intérêt artificiellement bas au cours de l'histoire de l'humanité ont gonflé toutes sortes de classes d'actifs. Comme nos auditeurs le savent, depuis 2008, nous nous trouvons dans un environnement de taux d'intérêt extrêmement bas qui s'est achevé en 2022. Au cours de cette période, de nombreuses classes d'actifs ont été surévaluées de façon spectaculaire. Dans ce livre, l'auteur dit, et je le cite : "Jamais auparavant dans l'histoire, autant de bulles de prix d'actifs n'ont gonflé simultanément".

Ce livre est un chef-d'œuvre sur le thème des taux d'intérêt au cours l'histoire de l'activité économique humaine.  Il développe la thèse selon laquelle "les taux d'intérêt sont le signal le plus important dans une économie de marché, c’est-à-dire "le prix universel" qui affecte tous les autres. Il affirme que la meilleure définition de l'intérêt est la valeur temporelle de l'argent. C'est le prix qui affecte toutes les décisions financières clés - épargner, dépenser, investir".

François Doyon La Rochelle : On l’a souvent répété au cours des 18 derniers mois sur notre podcast : les taux d'intérêt actuels, beaucoup plus élevés, sont "normaux" et les investisseurs ne devraient pas s'attendre à ce que nous revenions aux taux très bas que nous avons connus entre 2008 et 2022. À moins qu'il n'y ait d'autres chocs économiques ou géopolitiques majeurs que nous ne pouvons pas prévoir.

James Parkyn : C'est pourquoi j'ai trouvé ce livre si convaincant. Je dois mentionner que le livre "The Price of Time" a été une recommandation de Larry Swedroe. 

Permettez-moi de vous faire part d'un passage intéressant de ce livre et je cite : Après 2008, l'auteur affirme que "les banquiers centraux ont poussé les taux d'intérêt à leur niveau le plus bas depuis cinq millénaires". Cette mesure a semblé être un succès dans un premier temps, car elle a permis d'éviter la déflation et une hausse très importante du chômage. Mais derrière ce résultat se cachaient des problèmes structurels que les banquiers avaient laissé empirer. Selon l'auteur, les taux bas ont aggravé "nos problèmes actuels". Il s'agit notamment de "l'effondrement de la croissance de la productivité, des logements inabordables, de l'augmentation des inégalités, de la perte de la concurrence sur le marché" et - comme nous le ressentons peut-être tous en ce moment - de la "fragilité financière".

François Doyon La Rochelle : Je suis d'accord avec ce raisonnement James.  Des taux artificiellement bas faussent le processus décisionnel décentralisé d'une économie de marché.

James Parkyn : Absolument François, Chancellor écrit que sans les intérêts : "le capital ne peut pas être correctement alloué et les gens épargnent peu". Les investisseurs acceptent davantage de risques pour obtenir des rendements plus élevés, puisque la croissance future est plus attrayante que les profits actuels. Et comme l'intérêt est l'un des principaux coûts de la finance, les taux bas déplacent l'activité économique des entreprises du "monde réel" vers des transactions purement financières.

François Doyon La Rochelle : Comme l'a déclaré Seth Klarman, gestionnaire de fonds de couverture à Boston : "L'idée de taux bas persistants s'est infiltrée partout : dans la pensée des investisseurs, dans les prévisions de marché, dans les attentes en matière d'inflation, dans les modèles d'évaluation.  Aujourd'hui, les investisseurs et les emprunteurs pensent que les taux actuels sont trop élevés.  Nous avons souvent répété sur notre podcast qu'il s'agissait en fait de taux normalisés et que, par conséquent, le capital pouvait désormais être alloué plus efficacement.

James Parkyn : Je suis tout à fait d'accord avec toi, François.  Pour nos auditeurs, j'aimerais partager les commentaires de quelques autres experts que l’on suit de près dans le monde de l'investissement.  Tout d'abord, William Bernstein a écrit une critique dans le blogue de l’institut CFA .

François Doyon La Rochelle : Pour nos auditeurs, William Bernstein est l'auteur du livre classique à lire absolument "Les quatre piliers de l'investissement", qu'il a mis à jour en 2023.  On reviendra sur ce livre dans un prochain podcast.

James Parkyn : William Bernstein a adoré ce livre et l'a recommandé aux étudiants en économie.  Je le cite : "L'observation la plus profonde du livre est que les impacts des faibles taux d'intérêt sur les prix des actifs sont clairement visibles. Mais les emprunteurs sont beaucoup plus lents à percevoir que la même chose s'est produite pour la valeur de leurs dettes.

François Doyon La Rochelle : Bernstein déclare également que "l'une des joies de ce livre est sa pertinence à la fois pour la politique fiscale et pour les finances personnelles". L’auteur ne développe cependant pas ce thème dans son livre.

James Parkyn : La deuxième critique que j’ai lu de ce livre a été rédigée par Howard Marks.  Howard Marks est cofondateur d'Oaktree Capital Management, dont les actifs sous gestion s'élèvent à 189 milliards de dollars, et expert en matière d’obligations à rendements élevés en détresses.  Dans son dernier mémo intitulé "Easy Money" publié le 9 janvier de cette année, il aborde le sujet des faibles taux d'intérêt après avoir lu le livre.

François Doyon La Rochelle : Howard Marks est lu par un grand nombre de professionnels de l'investissement et connu pour ses mémos qu'il publie plusieurs fois par an.

James Parkyn : Je dois cependant préciser que le mémo d'Howard Marks n'est pas une critique de livre, mais que son mémo a été fortement inspiré par sa lecture du livre.  Je citerai un extrait du mémo : "Ce que j'aime tant dans les livres de Chancellor, c'est la façon dont il illustre la tendance des thèmes de l'histoire financière à se répéter, et donc la façon dont un comportement qui s'est produit il y a 200 ou 400 ans se répète aujourd'hui et ne manquera pas de réapparaître encore et encore à l'avenir.  Ce qu'il raconte est une histoire sans fin.

François Doyon La Rochelle : Il poursuit en disant : "Les leçons tirées des périodes passées d'argent facile tombent généralement dans l'oreille d'un sourd car elles se heurtent à (a) l'ignorance de l'histoire, (b) le rêve du profit, (c) la peur de manquer le bateau, et (d) la capacité de dissonance cognitive qui pousse les gens à rejeter les informations incompatibles avec leurs croyances ou leur intérêt personnel.  Ces éléments suffisent invariablement à décourager la prudence en période de faibles taux d'intérêt, malgré les conséquences probables.

James Parkyn : Howard Marks aborde ensuite la question clé que tous les investisseurs se posent aujourd'hui : allons-nous revenir à l'argent facile « Easy Money » ?  Je cite : "Je veux répondre à la question que l'on me pose le plus souvent ces jours-ci : "Êtes-vous en train de dire que les taux d'intérêt vont être plus élevés pendant plus longtemps ?"  Ma réponse est que les taux actuels ne sont pas élevés.  Ils sont plus élevés que ce que nous avons connu en 20 ans, mais ils ne sont pas élevés dans l'absolu ou par rapport à l'histoire.  Je les considère plutôt comme normaux, voire faibles."

Francois Doyon La Rochelle : Je trouve intéressant qu'il remonte à la fin des années 60, je le cite : "En 1969, l'année où j'ai commencé à travailler, le taux des fonds fédéraux était en moyenne de 8,2 %. Au cours des 20 années suivantes, il a oscillé entre 4 % et 20 %.  Compte tenu de cette fourchette, je ne qualifierais certainement pas un taux de 5,25 à 5,50 % d'élevé. Entre 1990 et 2000, que je considère comme la dernière période à peu près normale pour les taux, le taux des fonds fédéraux a varié de 3 % à 8 %, ce qui suggère une médiane égale aux 5,25-5,50 % d'aujourd'hui.

James Parkyn : Il est assez clair pour moi, François, qu'il est dans le camp qui pense que les taux d'intérêt d'aujourd'hui ne sont pas élevés.  Il a une autre excellente citation dans son Mémo : "L'une des citations auxquelles je reviens le plus souvent est la prétendue observation de l’écrivain Mark Twain selon laquelle "l'histoire ne se répète pas, mais elle se répète souvent".  Pour les investisseurs, les cycles, ainsi que leurs causes et leurs effets, font partie des sujets influents qui se répètent invariablement d'une période à l'autre."

Francois Doyon La Rochelle : Le livre "The Price of Time : The Real Story of Interest" de l'historien économique et journaliste financier britannique Edward Chancellor est donc une lecture essentielle pour les investisseurs qui veulent approfondir et comprendre, dans une perspective à très long terme, comment fonctionnent les taux d'intérêt et à quel point leurs niveaux sont essentiels pour que des politiques économiques saines puissent opérer leur magie.

James Parkyn : Je n'aurais pas pu mieux dire.  Merci, François.

4)   CONCLUSION :

François Doyon La Rochelle : Merci James Parkyn d’avoir partagé ton expertise et ton savoir.

James Parkyn : il m’a fait plaisir Francois.

François Doyon La Rochelle : Hé bien c’est tout pour ce 60ième épisode de Sujet Capital !  Nous espérons que vous avez aimé.

N’hésitez pas à nous envoyer vos questions et suggestions. Vous pouvez nous joindre par courriel à: sujetcapital@pwlcapital.com

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Encore une fois, merci d’être à l’écoute et joignez-vous à nous pour notre prochain épisode à paraitre le 14 mars 2024. Entre-temps, n’oubliez pas de consulter le site Web de sujet capital pour voir nos derniers blogues.

À bientôt!