1)   INTRODUCTION :

François Doyon La Rochelle:

Bienvenue à Sujet Capital, un balado mensuel à propos de la gestion passive de portefeuille et de la planification financière et fiscale pour les investisseurs à long terme.

Vos hôtes pour ce balado sont James Parkyn et moi-même François Doyon La Rochelle, tous deux gestionnaires de portefeuilles avec PWL Capital.

Au programme aujourd’hui pour l’épisode #70:

Nous passerons en revue une étude d’Elm Wealth Management intitulée « Quand une boule de cristal ne suffit pas pour vous rendre riche ».

Bonne écoute!

2)   UNE BOULE DE CRISTAL PEUT-ELLE VRAIMENT VOUS RENDRE RICHE ?

François Doyon La Rochelle:

On a souvent mentionné dans notre podcast qu’on n’a pas de boule de cristal et que, sans boule de cristal ou sans le bénéfice du recul, il est très difficile de savoir avec certitude où se dirigent les marchés. En ce sens, avoir une boule de cristal pour prédire les marchés est le rêve de tout investisseur. Mais cette boule de cristal est-elle vraiment suffisante pour nous rendre riches ?

C'est le sujet qu’on va aborder aujourd'hui en nous appuyant sur une étude récente réalisée par Victor Haghani et James White d'Elm Partner Management au États Unis. Cette étude s'intitule « When Having a Crystal Ball isn't Enough to Make you Rich » (Quand avoir une boule de cristal ne suffit pas à vous rendre riche).

James Parkyn:

C'est une étude intéressante, François. Les auteurs ont été inspirés par un tweet de Nassim Nicholas Taleb, mathématicien statisticien de grande réputation, ancien académicien et auteur du best-seller intitulé « The Black Swan : The Impact of the Highly Improbable “, qui a dit, et je cite ” si vous donnez à un investisseur les nouvelles du lendemain 24 heures à l'avance, il fera faillite en moins d'un an ».

François Doyon La Rochelle:

C'est exact, James, et pour tester cette affirmation dans la vraie vie, Haghani et White ont mené une expérience en personne avec 118 étudiants. Ces étudiants provenaient de quatre universités de la côte est des États-Unis et 90 % d'entre eux suivaient des programmes d'études supérieures en finance ou un programme de MBA. L'expérience, baptisée « The Crystal Ball Challenge », donnait aux participants la possibilité de faire fructifier une somme de 50 dollars qui leur était confiée en négociant sur l'indice S&P 500 et les bons du Trésor américain à 30 ans sur la base des informations publiées en première page du Wall Street Journal un jour à l'avance. Afin d'éviter de donner aux participants des informations supplémentaires, des indices, le cours des actions et d'autres données ont été rayées sur les pages.

James Parkyn:

Le défi pour les participants portait sur les infos d’un jour par année sur la page frontispice du Wall Street Journal, pendant une période de 15 ans, de 2008, année de la crise financière mondiale, à 2022. Les jours étaient présentés et choisis au hasard parmi un ensemble de jours où il y avait des événements d'actualité majeurs, en particulier des rapports sur l'emploi, des annonces de la Fed, ou d'autres jours purement aléatoires. L'ensemble des jours choisis faisait partie de la moitié supérieure des journées les plus volatiles du marché.

François Doyon La Rochelle:

Exactement et pour chacun des 15 jours, les joueurs étaient autorisés à placer une transaction sur l'indice S&P500 et une transaction sur les bons du Trésor américain à 30 ans. Les joueurs pouvaient opter pour une position longue ou une position courte et ils pouvaient également utiliser un effet de levier jusqu'à 50 fois. 

James Parkyn:

C'est du jargon François selon moi pour nos auditeurs. Pour simplifier, je dirai que les participants avaient la possibilité d'acheter, en d'autres termes d'être long sur l'indice S&P500 et les obligations du Trésor. Ils avaient également la possibilité de vendre, c'est-à-dire de vendre à découvert les mêmes investissements. Lorsque l'on achète ou que l'on prend une position longue, on s'attend évidemment à ce que les prix augmentent et lorsque l'on vend ou que l'on prend une position courte sur un titre, on pense que le prix de ce titre va diminuer. Les participants ont également pu utiliser l'effet de levier, ce qui signifie qu'ils ont pu emprunter pour augmenter la taille de leurs transactions. L'utilisation de l'effet de levier peut amplifier des profits si vous avez raison dans votre décision d'achat ou de vente, mais  à l’inverse ça signifie que les pertes seraient plus importantes si vous vous trompez.

François Doyon La Rochelle:

Avant de passer en revue les résultats des 118 étudiants, je pense que nos auditeurs seront heureux d'apprendre qu'ils peuvent se tester et jouer au Crystal Ball Trading Challenge. On fera en sorte de mettre un lien vers le jeu avec ce podcast. J'y ai joué moi-même, c'est très amusant pour un passionné de finance comme moi, je partagerai mes résultats plus tard. Jusqu'à présent, plus de 1 500 personnes ont joué au jeu sur le site web pour s'amuser car, contrairement aux étudiants, il n'y a pas d'argent en jeu ici.

James Parkyn:

Alors, François, les étudiants ont-ils pu utiliser à leur avantage le fait de connaître les nouvelles du lendemain qu'ils avaient en première page du WSJ ?

François Doyon La Rochelle:

Eh bien James, certains seront surpris, mais la réponse est non. Les étudiants qui ont participé à l'expérience n'ont pas obtenu de très bons résultats alors qu'ils disposaient d'informations précieuses à l'avance. Ils ont seulement été capables de faire fructifier les 50 dollars qui leur avaient été donnés que jusqu'à 51,62 dollars, soit un rendement moyen pondéré de seulement 3,2 %. Le document mentionne que ce résultat médiocre est statistiquement indiscernable du seuil de rentabilité. Le rapport poursuit en indiquant qu'environ la moitié (45 %) des étudiants ont perdu de l'argent et que 16 % d'entre eux ont tout perdu. Cela dit, environ 20 % d'entre eux ont maximisé leur profit à 100 $. Les joueurs ont seulement été capables de prévoir la bonne direction des actions et des obligations que dans 51,5 % des cas.

James Parkyn:

Donc François ce n'est pas beaucoup mieux que le résultat d'un jeu de pile ou face. L'article donne-t-il une raison à ces mauvais résultats ?

François Doyon La Rochelle:

Oui James. D'abord, comme je l'ai mentionné, le fait de ne pas pouvoir deviner la direction des actions et des obligations est la principale raison. Comme tu l’as souligné, James, ils ont fait seulement un peu mieux qu’un simple tirage au sort. Si nous regardons de plus près les détails, ils ont eu raison concernant leur pari sur l’indice S&P 500 seulement 48,2 % du temps et ont fait un peu mieux avec les obligations, étant corrects 56,2 % du temps. L’autre raison évoquée pour ces résultats médiocres était la mauvaise gestion de la taille des transactions.

James Parkyn:

Peux-tu expliquer ce que tu veux dire par taille de transactions, François ?

François Doyon La Rochelle:

Eh bien James, si tu te souviens, les règles stipulaient que les joueurs pouvaient utiliser un levier jusqu’à 50 fois lorsqu’ils réalisaient leurs transactions. Cependant, les résultats montrent qu'ils n'ont pas utilisé ce levier à leur avantage. Par exemple, bien qu'ils aient eu une meilleure moyenne sur leurs paris du côté des obligations, en pariant correctement 56,2 % du temps, ils ne l'ont pas exploité car le levier appliqué à leurs paris sur les obligations était plus faible que celui utilisé sur leurs paris du côté des actions.

James Parkyn:

Ça doit donc être l'inverse François pour leurs paris sur les actions.

François Doyon La Rochelle:

Exactement James. Ils ont utilisé plus de levier sur leurs paris sur les actions, mais leur moyenne au bâton était plus faible, à 48,2 %. Donc cette combinaison de levier plus élevé et de moyenne au bâton plus basse a aussi nui à leurs résultats. Voici une citation du rapport à ce sujet, et je cite : "Il semble que nos joueurs, en moyenne, n’ont pas suivi une stratégie consistant à placer des paris plus importants sur ceux qu’ils avaient une probabilité plus élevée de bien deviner. Cela est peut-être dû à leur incapacité à savoir quels étaient ceux sur lesquels ils avaient une probabilité plus élevée d’avoir raison, ou peut-être n’ont-ils pas suivi une stratégie disciplinée de gestion de la taille des positions."

James Parkyn:

Donc François, je pense que ceci confirme mon intuition : bien que les joueurs aient eu les grands titres du WSJ à l’avance, ils n’étaient pas convaincus de l'impact que les nouvelles auraient sur le marché des actions ou des obligations, sinon ils auraient montré plus de confiance en augmentant leur levier sur les transactions dont ils étaient certains d'avoir raison.

François Doyon La Rochelle:

Je pense que tu as raison James, si tu savais avec certitude quel impact une nouvelle particulière aurait sur les marchés boursiers ou obligataires, je pense que tu parierais le maximum. À l’inverse, si tu n’es pas certain, eh bien, tu ne paries pas tout ce que tu as.

James Parkyn:

François, tu as mentionné plus tôt que plus de 1 500 personnes ont participé au Crystal Ball Trading Challenge en ligne. Quels ont été leurs résultats?

François Doyon La Rochelle:

Eh bien James, leurs résultats ont été pires que ceux des étudiants et je pense que leurs résultats sont plus représentatifs étant donné le nombre plus important de participants. Donc, au lieu de s'en sortir avec seulement un petit profit comme les étudiants, le résultat médian parmi les 1 500 joueurs a été une perte d’environ 30 % de leur capital, seulement 40 % d’entre eux ont réalisé un profit et 36 % ont fait faillite. Donc, des résultats assez mauvais. Ceci dit, James, et en toute transparence, les auteurs de l’étude ont également invité cinq traders expérimentés et couronnés de succès dans le domaine macroéconomique à passer le test.

James Parkyn:

Comment ont-ils performé?

François Doyon La Rochelle:

Franchement, ils ont fait bien mieux que les deux autres groupes, mais ils ont exprimé que le fait d’avoir les grands titres du WSJ une journée à l’avance n’était pas incroyablement précieuse. Ils ont estimé qu’il leur manquait un certain contexte autour des nouvelles pour les aider dans leurs décisions de trading. Cependant, ils ont quand même réussi à avoir 63 % de leurs transactions correctes et leur gain médian était de 60 %.

James Parkyn:

Ces résultats sont bien meilleurs que ceux des autres, mais je suis sûr qu’ils avaient une meilleure intuition de l’impact des nouvelles, non seulement à cause de leur expertise, mais aussi à cause de leur expérience passée de trading sur certains de ces grands titres dans la vie réelle.

François Doyon La Rochelle:

C’est possible James, mais l’étude ne s’engage pas sur cette voie.

James Parkyn:

Et toi, François, comment ça a été ?

François Doyon La Rochelle:

Eh bien, je peux confirmer que je ne suis pas un génie du trading macroéconomique, mes résultats ont été meilleurs que ceux des étudiants et des autres joueurs, mais ils étaient en dessous des résultats des traders expérimentés. J’ai terminé en devinant correctement 59 % de mes transactions et en réalisant un rendement de 17 % sur mes transactions. Je pense que, comme pour les étudiants, j'ai fait une mauvaise utilisation du levier disponible car je n'avais pas une grande conviction dans les transactions que je réalisais. J'avais souvent une idée de l'impact des nouvelles, mais je n'étais jamais assez confiant pour augmenter la taille de mes transactions, bien que je ne jouais pas avec de l’argent réel. Je ne suis pas un parieur dans la vraie vie, donc je suppose que ça s’est reflété dans le jeu, néanmoins, ça a été un exercice amusant.

James Parkyn:

François, que devraient retenir nos auditeurs de tout ça ?

François Doyon La Rochelle:

Eh bien, dans la vraie vie, sans les grands titres du WSJ un jour à l'avance, tu as une couche supplémentaire de décisions à faire, tu dois deviner la nouvelle elle-même avant de prendre toute décision d'achat ou de vente. Pour moi, cette couche supplémentaire de devinettes réduit d’avantage les chances de succès.

James Parkyn:

Pour ma part François, je pense que cette étude est un autre bon exemple du défi à devoir deviner la direction des marchés financiers.  Les marchés sont une machine de traitement de l'information et parfois, ils ne réagissent pas aux nouvelles de la manière dont on pense qu'ils le feraient. Un exemple récent de ça est que personne n’aurait pu deviner avec certitude le résultat des élections américaines à l’avance, et sûrement pas la réaction des marchés financiers le jour suivant.

François Doyon La Rochelle:

Je suis d’accord, James. Prédire l'avenir avec une quelconque précision est très difficile, voire quasiment impossible, et les soi-disant experts l'ont prouvé à maintes reprises en échouant dans leurs prédictions. Je crois que baser sa stratégie de trading sur ces prévisions est inutile. Dans ce sens, voici une citation de Victor Haghani, l'un des auteurs de l’étude, et je cite : "Même si vous avez les nouvelles à l’avance, il est toujours vraiment difficile de faire de l’allocation d’actifs ou quoi que ce soit avec une forte probabilité d’avoir raison, sans parler de ne pas savoir ce qui va se passer." En ce qui concerne l'efficacité des marchés, M. Haghani a dit ceci, et je cite : "Si nous pensons à la question de l’efficacité des marchés en termes de difficulté à battre le marché, cela nous montre vraiment qu’il est difficile de battre le marché, même avec cette information à l’avance, ce qui prouve que les marchés sont assez efficaces."

James Parkyn:

Pour conclure François, comme d'habitude, afin de mieux capter les rendements que les marchés ont à offrir, ne tentez pas votre chance à prédire la direction des marchés, restez discipliné  et respectez votre plan d’investissement à long terme basée sur la diversification de vos actifs.

3)   CONCLUSION

François Doyon La Rochelle:

Merci James Parkyn d’avoir partagé ton expertise et ton savoir aujourd’hui.

James Parkyn:

il m’a fait plaisir Francois.

François Doyon La Rochelle:

Hé bien c’est tout pour ce 70ième épisode de Sujet Capital!  Nous espérons que vous avez aimé.

N’hésitez pas à nous envoyer vos questions et suggestions. Vous pouvez nous joindre par courriel à: sujetcapital@pwlcapital.com

De plus, si vous aimez notre podcast, partagez-le avec votre famille et vos amis et si vous n'y êtes pas abonné, faites-le SVP.

Encore une fois, merci d’être à l’écoute et joignez-vous à nous pour notre prochain épisode à paraitre le 22 janvier. N’oubliez pas de consulter le site Web de sujet capital pour voir nos derniers blogues.

A bientôt.