1)   INTRODUCTION :

François Doyon La Rochelle : Bienvenue à Sujet Capital, un Balado mensuel à propos de la gestion passive de portefeuille et de la planification financière et fiscale pour les investisseurs à long terme.

Vos hôtes pour ce Balado sont James Parkyn et moi-même François Doyon La Rochelle, tous deux gestionnaires de portefeuilles avec PWL Capital.

Au programme aujourd’hui pour l’épisode #57 :

Pour notre premier sujet, nous passerons en revu les avantages considérables de bâtir son portefeuille avec des FNB de marché total

Et ensuite, pour notre second sujet, nous discuterons du régime fiscal canadien et nous posons la question suivante : les personnes à hauts revenus paient-ils leur juste part d'impôts ?

Bonne écoute !

2)   LES PUISSANTS AVANTAGES DU MARCHÉ TOTAL DES FNB :

François Doyon La Rochelle : Dans notre premier sujet aujourd'hui, on va aborder les raisons pour lesquelles on préfère utiliser des FNBs ou des fonds communs de placement de marché total pour construire nos portefeuilles au lieu d'autres solutions d'investissement qui répliquent des indices de référence plus connus comme l'indice S&P500 pour les actions américaines, l'indice S&P/TSX 60 ici au Canada et d'autres indices de référence pour les grandes capitalisations. 

James Parkyn : Oui, Francois on souligne souvent dans nos balados et dans nos blogues que l’on construit des portefeuilles en utilisant des FNB et des fonds communs de placement de marché total. Cependant, je pense, François, qu’on n’a jamais vraiment approfondi les raisons pour lesquelles on fait ça.  Ce qui nous a poussés à aborder ce sujet, c'est qu’on a récemment eu une discussion avec un nouveau client au sujet de l’implantation de son portefeuille. Il nous a demandé pourquoi on utilisait un FNB de marché total américain pour notre allocation en actions américaines plutôt que l'indice S&P500, un indice bien connu.

François Doyon La Rochelle : Exactement, et on a pensé que c'était une bonne occasion de préparer une mise à jour de nos recherches sur le sujet. On a donc demandé à notre collègue Raymond Kerzérho, chercheur principal chez PWL, de se pencher sur la question. Fin août, il a publié ses conclusions dans un article intitulé "FNB de marché total américain ou S&P 500?".  Ce document est disponible sur le site web de PWL, et on va partager le lien avec nos auditeurs.

James Parkyn : Je voudrais signaler à nos auditeurs que ce document se concentre sur le marché des actions américaines et plus précisément sur le FNB Vanguard US total market par rapport au FNB sur l'indice S&P500. François, que dit l'article ?  

François Doyon La Rochelle : Comme tu l’as mentionné James, Raymond, a examiné la question du point de vue des actions américaines uniquement. Il a étudié les mécanismes et la performance historique de l'approche du marché total en utilisant l'indice CRSP US Total Market Index par rapport à l'indice S&P500.

James Parkyn : Nos auditeurs ne connaissent peut-être pas les indices CRSP. CRSP est un acronyme qui signifie Center for Research in Security Prices (Centre de recherche sur les prix des titres), affilié à la Booth School of Business de l'université de Chicago. Les indices de marché CRSP sont très connus et utilisés par d'éminents académiques de la finance en raison de la qualité de leurs données. On peut cependant affirmer que les indices de marché CRSP sont pratiquement inconnus dans le monde de l'investissement de détail.

François Doyon La Rochelle : Tu as tout à fait raison James, les indices CRSP ne sont pas très connus de la plupart des investisseurs. Par contre, l'indice S&P500 ou l'indice Dow Jones Industrial Average qui sont cités quotidiennement dans les médias financiers ont donc une plus grande notoriété auprès des investisseurs. Cependant, ce qui est intéressant ici, c'est que le plus grand fonds au monde, le fonds Vanguard U.S. Total Market Index, un fonds qu’on utilise dans les portefeuilles de nos clients, utilise l'indice CRSP US Total Market comme benchmark ou indice de référence.   

James Parkyn : C’est intéressant, François, mais comment le CRSP US Total Market se compare-t-il à un indice plus commercial comme le S&P500 ?  

François Doyon La Rochelle : Eh bien, le CRSP US Total Market contient plus de 3 800 actions américaines, ce qui représente environ 99,5 % de la capitalisation boursière des actions américaines. Il contient non seulement des titres de grande capitalisation, mais aussi des titres de moyenne et de petite capitalisation. À titre de comparaison, l’indice S&P500 contient environ 500 actions américaines de grande capitalisation qui représente environ 80 % de la capitalisation boursière des États-Unis. Malgré que ce soit l’indice de référence le plus populaire pour les actions américaines, il ne contient pas d’actions de moyenne et de petite capitalisation.

James Parkyn : L’avantage d’utiliser le CRSP US Total Market ETF par rapport à l’indice S&P500 est que vous ajoutez 3 300 compagnies supplémentaires à votre portefeuille. Ça augmente votre avantage en termes de diversification puisque vous agrandissez votre exposition à l’ensemble du marché boursier américain de près de 20 points de pourcentage, soit à 99,5 % de l’ensemble du marché boursier américain.

François Doyon La Rochelle : C’est exact, vous allez détenir effectivement toutes les actions américaines, vous ajoutez beaucoup de compagnies à votre portefeuille, donc une plus grande diversification et surtout, comme je l’ai dit plus tôt, vous ajoutez des actions de moyenne et de petite capitalisation.

James Parkyn : Qu’est-ce que Raymond dit d’autre dans son article ?

François Doyon La Rochelle : Il couvre la méthodologie d’inclusion des actions pour les deux indices. Il explique que la méthodologie pour l’indice CRSP est basée sur des règles et que les actions sont pondérées et classées en fonction de leur capitalisation boursière rajustée en fonction du flottant, avec peu d’intervention humaine.

James Parkyn : Pour nos auditeurs, la méthodologie de la capitalisation boursière rajustée en fonction du flottant est simplement une méthode de calcul de la capitalisation boursière d'une action en multipliant son prix par le nombre d'actions facilement disponibles sur le marché, ensuite on classe les actions de la plus grande à la plus petite.

François Doyon La Rochelle : C'est exact et en comparaison, il mentionne que les actions de l'indice S&P500 sont également pondérées sur la base de la capitalisation ajustée en fonction du flottant, mais que l'éligibilité à l'inclusion suit un processus en deux étapes. La première étape est basée sur des critères objectifs spécifiques que Raymond énumère dans son article. La seconde étape, une fois la liste des actions éligibles a été établie, est la sélection des 500 titres par un comité. Le problème ici, et je cite Raymond, c'est que "cette étape basée sur un comité rend l'indice S&P500 similaire à un indice géré activement".  

James Parkyn : C'est intéressant, mais quels sont les performances historiques ?

François Doyon La Rochelle : Depuis le lancement de l'indice S&P500 en mars 1957 jusqu'en juin 2023, l'indice CRSP US Total Market a légèrement surperformé l'indice S&P500 par une petite marge de 0,03%. L'indice CRSP a réalisé une performance de 10,48 %, tandis que l'indice S&P500 a réalisé une performance de 10,45 % sur une base annualisée. Cette surperformance est par contre venu avec une volatilité légèrement plus élevée. Les actions à moyenne et petite capitalisation, qui sont incluses dans l'indice CRSP US total Market, ont été plus volatile que l'indice S&P500 qui ne comprend généralement que des actions à grande capitalisation.

James Parkyn : Malgré la petite différence de performance historique, il est important de comprendre que l'ajout d'actions de petite capitalisation à votre portefeuille augmente son rendement espéré. Plusieurs études universitaires ont démontré qu'historiquement, les actions à petite capitalisation ont généré des rendements plus élevés que les actions à grande capitalisation. 

François Doyon La Rochelle : C'est exact James, et d'après les recherches des professeurs Fama & French, la prime de petite capitalisation ou de taille est encore plus convaincante si on exclut du portefeuille les actions de petite capitalisation croissance à faible rentabilité. Historiquement, ces actions n'ont pas réussi à livrer la prime de rendement de petite capitalisation. Cette idée d'exclure les actions de petite capitalisation croissance à faible rentabilité est l'un des nombreux avantages de l'utilisation des fonds Dimensional dans le portefeuille de nos clients. Tous leurs fonds d'actions excluent ces titres.

James Parkyn : De quel type de prime de rendement de taille on parle ici si l'on exclut les actions de petite capitalisation croissance à faible rentabilité ?

François Doyon La Rochelle : James j’ai regardé la base de données des indices de petites capitalisations de Dimensional, au cours des 30 dernières années se terminant le 31 août 2023, la prime des petites capitalisations au Canada était de 0,66 % annuellement, soit un peu moins de 1 %. Ce n'est pas le Saint-Graal, mais si on regarde d'autres marchés, aux États-Unis par exemple, la prime était de 1,42 % annuellement. Dans les pays développés internationaux, la prime était de 1,86 % annuellement et dans les marchés émergents, elle était de 2,3 % annuellement, ce qui est vraiment pas négligeable. Aux États-Unis, si l'on considère des périodes plus longues, par exemple des données remontant à 90 ans, la prime des petites capitalisations était de 2,23 % annuellement.

James Parkyn : Ces primes sont énormes, mais les investisseurs doivent comprendre que les actions à petite capitalisation ne surperformeront pas les actions à grande capitalisation tous les mois, ni même toutes les années. Comme je dis en anglais il n’y a pas de free lunch, il faut rester investi pendant de longues périodes pour capturer la prime de taille espérée.

François, qu’est-ce que tu penses de l'idée d'ajouter un FNB de l'indice S&P400 pour les actions à moyennes capitalisations et un FNB de l'indice S&P600 pour les actions de petites capitalisations à un FNB de l'indice S&P500 pour construire un portefeuille ?  Est-ce que ça fait du sens ?

François Doyon La Rochelle : À moins qu'un investisseur veuille s'écarter du portefeuille du marché total américain, je n’opterais pas pour cette solution parce que ce portefeuille va nécessiter plus de transactions pour le rééquilibrer les trois paniers afin de conserver une répartition similaire au marché total américain. Ça va augmenter les coûts et ça serait probablement moins efficace sur le plan fiscal en raison des gains en capital qui sont réalisées lors de la reconstitution des indices. C’est-à-dire quand les actions passent de l'indice des petites capitalisations à l'indice des moyennes capitalisations ou quand les actions passent de l'indice des moyennes capitalisations à l'indice des grandes capitalisations.

James Parkyn : Pour nos auditeurs, la reconstitution d'un indice est par définition le processus qui consiste à trier, ajouter et supprimer des actions pour s'assurer qu'un indice reflète une capitalisation boursière et un style à jour. Mais pour les investisseurs résidents canadiens, vous risquez, lors de ces opérations de reconstitution, de vous voir attribuer des gains en capital qui seront imposés comme des revenus ordinaires à hauteur de 100 % de votre taux marginal d'imposition.  C’est une leçon qu’on a appris à nos dépens il y a une vingtaine d'années.

François Doyon La Rochelle : J'ajouterais aussi qu'en détenant l'ensemble du marché avec un seul FNB, on n’a pas à vous soucier de ce que l'on appelle l'effet de reconstitution. Cet effet se produit lorsque des gestionnaires actifs (traders) ou des fonds spéculatifs négocient avant la date de reconstitution de l'indice pour essayer de tirer profit des changements à venir. Ils achètent les titres qui vont être ajoutés et vendent les titres qui vont être sortis avant les gestionnaire indiciels, ce qui arrive c’est qu’ils poussent les prix à la hausse pour les gestionnaires indiciels sur les titres qui vont être ajoutés et à la baisse sur les titres qui vont sortir de l’indice.

James Parkyn : Oui, et une fois que les gestionnaires indiciels auront ajusté leurs portefeuilles, les prix de ces ajouts et suppressions s'inversent généralement, et c'est à ce moment-là que les ajouts sous-performent et que les suppressions surperforment.

François Doyon La Rochelle : Pour conclure James, je pense qu’un FNB ou d'un fonds commun de placement de marché total est le titre parfait pour sa simplicité, sa grande diversification et pour l'efficacité fiscale. En plus, comme Raymond l'a souligné dans sa conclusion, basée sur des recherches de l'Université d'Arizona, et je cite "à la marge, un petit nombre d’actions gagnantes explique la performance à long terme du marché". Par conséquent, pour en tirer profit, je préfère détenir toutes les actions afin d'être sûr d'avoir tous les titres gagnants dans mon portefeuille. En incluant des actions de petites et moyennes capitalisations, vous augmentez les chances de détenir les prochaines actions gagnantes de grandes ou de méga-capitalisations. Je vais terminer en citant l'article de Raymond: " Le risque de passer à côté des actions les plus performantes a été mis en évidence en 2020 lorsque le comité de l’indice S&P 500 n’a inclus les actions de Tesla dans l’indice qu’en décembre, après que le prix de l’action a augmenté de 400 %."

3)LE RÉGIME FISCAL CANADIEN: LES PERSONNES À HAUT REVENUS PAIENT-ILS LEUR JUSTE PART D’IMPÔT? :

Francois Doyon La Rochelle : James, notre sujet principal d'aujourd'hui est un point sensible pour tous les Canadiens. Tout le monde a le sentiment de payer trop d'impôts.  La perception générale est que les très riches trouvent des moyens pour payer moins d’impôt que leur juste part.   L'augmentation des impôts pour les personnes aux revenus les plus élevés, est souvent proposée comme une solution pour générer des revenus supplémentaires afin de réduire les inégalités au Canada.   Alors James, qu’est-ce que tu veux partager avec nous aujourd’hui ?

James Parkyn : François, on pense à tort que les personnes à hauts revenus ne paient pas leur juste part d'impôts.  Nos clients font partie des personnes très riches et plusieurs d'entre eux se classent parmi les 1 % des plus riches en termes de revenus.  En se basant sur les taux d'imposition du revenu moyen total et sur les montants versés à tous les niveaux de gouvernement, on a constaté, qu'ils paient beaucoup d'impôts.

Le filet de sécurité sociale du Canada est une grande réalisation des générations successives dans ce pays. Il fournit des soins de santé, un soutien aux pauvres et aux handicapés, et des pensions pour les personnes âgées, entre d’autres avantages qui ont une importance cruciale sur lesquels les citoyens d'autres pays ne peuvent pas compter.

Francois Doyon La Rochelle : Évidemment, quelqu'un doit payer pour tous ces services et c'est en grande partie la raison pourquoi les Canadiens - en particulier les personnes à revenu élevé - paient beaucoup d'impôts.

James Parkyn : Il faut bien sûr que quelqu'un paie pour tous ces services. La plupart des gens soutiennent l'idée qui sous-tend notre système fiscal progressif - ceux qui gagnent plus doivent payer plus.

Francois Doyon La Rochelle : James, à mon avis, on ne sait pas vraiment qui paie combien d'impôts au Canada.  Qu’est-ce que tu as trouvé ?

James Parkyn : Eh bien François, j'ai trouvé des études récentes qui indiquent que les personnes à hauts revenus paient collectivement une part disproportionnée, et croissante, de l'impôt sur le revenu des particuliers et de l'ensemble des impôts du gouvernement. Ces études ont également démontré que l'augmentation des impôts sur les revenus les plus élevés s'accompagne de coûts économiques considérables.  Aujourd'hui, je vais me concentrer sur les conclusions d'un bulletin de recherche récent de l'Institut Fraser, un organisme non partisan, intitulé Measuring Progressivity in Canada's Tax System, 2023 (Mesurer la progressivité du système fiscal canadien, 2023).

Francois Doyon La Rochelle : Donc James, qu'est-ce que l'Institut Fraser a à dire ?

James Parkyn : Le rapport de l'Institut Fraser répond essentiellement à la question de savoir qui paie quoi au Canada en termes d'impôts sur le revenu des particuliers et, ce qui est intéressant, c’est que le rapport donne aussi les impôts totaux que les Canadiens paient aux gouvernements fédéraux, provinciaux et municipaux.

Les principales conclusions sont les suivantes :

1.      Les familles à hauts revenus paient déjà une part disproportionnée de l'ensemble des impôts sur le revenu au Canada. En effet, les données montrent que 20 % des familles ayant les revenus les plus élevés paient près des deux tiers (61,9 %) de l'impôt sur le revenu des particuliers et plus de la moitié (53,1 %) de l'impôt total.

2.      D’un autre côté, on estime que 20 % des familles les plus pauvres ne paient que 0,7 % de l'ensemble des impôts fédéraux et provinciaux sur le revenu des particuliers et seulement 2 % de l'ensemble des impôts au Canada.

Francois Doyon La Rochelle : C'est tout à fait logique, car ça démontre que le système fiscal canadien est basé sur la progressivité, c'est-à-dire que la part d'impôt payée augmente généralement avec le revenu.  Qu’est-ce que tu as trouvé d'autre dans ce rapport James ?

James Parkyn : Le rapport de l'Institut Fraser poursuit en affirmant que, et je cite : "l'augmentation des impôts sur les hauts revenus ne tient pas compte des conséquences économiques des augmentations des taux d'imposition et des réactions comportementales des contribuables face à des taux d'imposition plus élevés ou à de nouvelles taxes. Par exemple, en réponse à une augmentation d'impôt, de nombreux contribuables modifieront leur comportement de manière à réduire leur revenu imposable par le biais de la planification fiscale, de l'évitement ou de l'évasion, ce qui fait que les gouvernements perçoivent moins de revenus que prévu."

Francois Doyon La Rochelle : Ça me rappelle vraiment ce que l'économiste américain Arthur Laffer a essayé de prouver avec son travail sur la relation entre les taux d'imposition et les niveaux de recettes fiscales des gouvernements. La fameuse "courbe de Laffer" qui a influencé les politiques Reaganiennes au début des années 1980. 

James Parkyn : Arthur Laffer et d'autres économistes n'ont jamais pu prouver sa théorie. Mais je pense qu’il est intuitif de penser que, quelque part sur la courbe des taux d'imposition, il existe un taux qui maximise les recettes fiscales de l'État et qu'au-delà de ce taux, les recettes de l'État diminuent. Trouver ce taux maximum est un exercice techniquement complexe pour les gouvernements.

Francois Doyon La Rochelle : Kim Moody, comptable fiscaliste de réputation nationale, a récemment écrit dans le Financial Post et je le cite : "D'après mon expérience, les comportements personnels changent considérablement lorsque les taux d'imposition des particuliers approchent les 50 %. Les gens cherchent des moyens de réduire leur facture fiscale, en particulier lorsqu'ils ont l'impression que la valeur ajoutée n'est pas très élevée par rapport au coût."

James, je pense qu’on devrait partager avec nos auditeurs un peu de l’histoire récente des taux d'imposition au Canada.

James Parkyn : Absolument. En 2015, les taux marginaux d'imposition les plus élevés étaient d'environ 48 % au Canada.  C'était important parce que, psychologiquement, c'était en dessous du seuil de 50 %.  Ces taux s'appliquaient aux revenus d’emploi, aux intérêts et aux revenus d'investissements étrangers.  Les dividendes de source canadienne étaient un peu moins taxés. Les gains en capital sont imposés à hauteur de 50 % du gain brut.

Le taux d'inclusion sur les gains en capital a été fixé à 75 % en 1990. Dix ans plus tard au 28 février 2000, il a été ramené à 66,67 %, puis encore réduit le 18 octobre 2000 à 50 %, où il est encore aujourd'hui.

Francois Doyon La Rochelle : James, c’est quoi les taux marginaux d'imposition les plus élevés actuellement en vigueur au pays ?

James Parkyn : Et bien Francois, en 2016, le gouvernement fédéral a ajouté une nouvelle tranche d'impôt fédéral sur le revenu, faisant passer le taux d'imposition fédéral maximal de 29% à 33 % pour les revenus supérieurs à environ 200 000 dollars.  Ce changement en lui seul a fait passer le taux marginal maximal combiné à plus de 50 %.  En plus, de nombreuses provinces ont également augmenté leurs taux d’imposition maximaux.

Pour 2023, le taux marginal maximal d'impôt sur le revenu est de 53,31 % au Québec et de 53,53 % en Ontario, et tous deux s'appliquent à partir d'un revenu imposable de 235 675 dollars. En Colombie-Britannique, il est de 53,50 % à partir d'un revenu imposable de 240 716 $.   On est maintenant bien au-dessus du seuil psychologique de 50 %.

Francois Doyon La Rochelle : James, comment l’institut Fraser dans son bulletin de rechercher a réparti les données sur les impôts payés par tous les Canadiens ?

James Parkyn : Ce bulletin examine la proportion actuelle d'impôts que chaque groupe de revenu paie. En d'autres termes, il compare le total du revenu gagné au total des impôts payés. Les familles canadiennes sont réparties en cinq groupes (quintiles) en fonction de leur revenu total, chaque groupe représentant 20 % de l'ensemble des familles du pays. Le premier quintile comprend les 20 % de personnes les plus pauvres et le cinquième quintile comprend les 20 % de personnes les plus riches. Bien que l'impôt sur le revenu des particuliers soit payé par les individus, l'étude examine les données basées sur les familles car le revenu individuel n'est pas le meilleur indicateur du bien-être de chaque personne.

Francois Doyon La Rochelle : James, que dit l’institut Fraser dans son bulletin de recherche au sujet des taux d'imposition moyens pour l'impôt sur le revenu des particuliers payé par tous les Canadiens ?

James Parkyn :

Les taux d'imposition moyens représentent le montant total de l'impôt sur le revenu des particuliers payé par le quintile divisé par son revenu total. Cette étude montre que les taux d'imposition moyens augmentent à mesure que le revenu familial s'accroît, ce qui reflète la progressivité du système canadien d'impôt sur le revenu des particuliers.

En ce qui concerne le montant total de l'impôt sur le revenu des particuliers, les 20 % de personnes ayant les revenus les plus élevés paient un peu moins des deux tiers de l'impôt sur le revenu des particuliers (61,9 %), alors qu'ils reçoivent moins de la moitié du revenu familial du pays (45,7 %). En d'autres termes, les plus hauts revenus paient environ 16 points de pourcentage de plus que leur part du revenu total.

Francois Doyon La Rochelle : James, que dit l’institut Fraser dans son bulletin de recherche au sujet des taux d'imposition totaux moyens payés par tous les Canadiens lorsque nous incluons tous les types d'impôts ?

James Parkyn :

Les taux d'imposition moyens pour l'ensemble des impôts payés par groupe de revenu et qui couvre tous les impôts canadiens, révèlent la même chose. La recherche de l'institut Frazer calcule le montant total des impôts payés par quintile, divisé par leur revenu total. Comme pour l'impôt sur le revenu des particuliers, l'étude montre que les taux d'imposition moyens augmentent avec le revenu familial. Les 20 % des familles les plus pauvres paient un taux d'imposition moyen de 18,5 %, tandis que les 20 % les plus riches paient 54,2 % (plus de la moitié de leur revenu en impôts).

Francois Doyon La Rochelle : James, c’est quoi les défis de nature fiscale à venir pour le gouvernement fédéral avec le vieillissement de la population ?

James Parkyn : Le principal défi est la viabilité de la SV (sécurité de la vieillesse).  De nombreux experts estiment qu'elle est menacée par le vieillissement de la population. Francois, la SV a coûté 69 milliards de dollars en 2022. D'ici 2027, elle devrait coûter 96 milliards de dollars. Cette augmentation de 27 milliards de dollars est aussi importante que le budget total pour l'assurance-emploi ou de la Prestation canadienne pour enfants. Il est impossible d'échapper au fait que les coûts de la SV augmentent plus rapidement que toutes les autres mesures politiques du budget fédéral.  Malheureusement, les recettes fiscales ne suivent pas le rythme de l'augmentation du coût de la SV. Le résultat de ça sera des déficits publics croissants, à moins que les règles changent.

Francois Doyon La Rochelle : Le professeur Paul Kershaw, de l'Université de la Colombie-Britannique, a récemment publié un article dans le Globe and Mail dans lequel il affirme et je le cite " ...le gouvernement fédéral prévoit des déficits de 132 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. Près de 84 % de ces déficits sont imputables à l'augmentation des dépenses liées à la SV, ainsi qu'à l'augmentation des sommes consacrées aux soins médicaux utilisés par les personnes âgées de plus de 64 ans".  Ça va accroître la pression sur le gouvernement fédéral pour qu'il génère davantage de revenus ou qu'il réduise les prestations.

James Parkyn : François, le budget fédéral de cette année a introduit de nouvelles règles concernant l'impôt minimum de remplacement connue sous l’acronyme IMR.  L'IMR est très technique et la plupart des Canadiens ne savent pas quel sera l'impact de ces nouvelles règles.

Francois Doyon La Rochelle : C’est quoi les changements, James ?

James Parkyn : Dans le budget fédéral de 2023, le gouvernement a proposé d'augmenter le taux de l'IMR à 20,5 %, de 15 % dans le régime actuel de l'IMR. Le niveau d'exemption de l'IMR passerait d'un montant fixe de 40 000 $ à un montant estimé à 173 000 $ (indexé annuellement). Ces modifications devraient entrer en vigueur l'année prochaine, le 1er janvier 2024. À Ottawa on espère que ces changements feront en sorte que les personnes qui gagnent le plus ne puissent pas combiner certaines mesures incitatives de la Loi de l'impôt sur le revenu, y compris le crédit d'impôt pour les dons, afin de ramener leur taux d'imposition en dessous d'un taux minimum. Selon les autorités fédérales, les nouvelles règles proposées relatives à l'IMR "devraient toucher très peu de contribuables", surtout en raison de l'augmentation importante du montant de l'exemption de base.

Francois Doyon La Rochelle : J'ai lu que de nombreux fiscalistes estiment que le nouveau régime d'impôt minimum de remplacement (IMR) proposé par le gouvernement fédéral pourrait décourager la philanthropie en punissant les personnes qui font des dons importants à des œuvres de bienfaisance.

James Parkyn : Oui effectivement, c'est ce que plusieurs fiscalistes avec lesquels on travaille nous on dit. Parmi les changements proposés, seulement la moitié du crédit d'impôt pour les dons peut être déduite de l'IMR, contre 100 % dans le cadre des règles actuelles. Par ailleurs, 30 % des gains en capital réalisées sur les dons de titres cotés en bourse seront désormais incluses dans le revenu imposable ajusté (RAA). Ces règles très techniques vont avoir un impact important sur les Canadiens qui font de très gros dons d'actions à des œuvres de bienfaisance et qui réalisent d’importants gains en capital. On va discuter de ces changements plus en détail dans notre prochain podcast lorsque on va aborder la planification fiscale de fin d'année.

Francois Doyon La Rochelle : Les règles de l'IMR sont en effet très techniques et sont difficiles à maitriser pour la plupart des contribuables.

James Parkyn : Pour conclure, le Bulletin de recherche de l'Institut Fraser démontre que les personnes à hauts revenus au Canada paient en fait une part disproportionnée de l'impôt sur le revenu par rapport aux autres groupes de revenus, principalement en raison de la nature progressive du système fiscal du pays. En effet, la part actuelle des impôts payés par les personnes à hauts revenus dépasse largement leur part collective de revenus.

Francois Doyon La Rochelle : Effectivement, et comme je l'ai dit au début, c’est un point sensible pour de nombreux Canadiens à revenus élevés et on espère que notre gouvernement portera une attention particulière à la manière dont il planifiera les changements à apporter aux futures politiques fiscales.

1) CONCLUSION :

François Doyon La Rochelle : Merci James Parkyn d’avoir partagé ton expertise et ton savoir.

James Parkyn : il m’a fait plaisir Francois.

François Doyon La Rochelle : Hé bien c’est tout pour ce 57ième épisode de Sujet Capital !  Nous espérons que vous avez aimé.

N’hésitez pas à nous envoyer vos questions et suggestions. Vous pouvez nous joindre par courriel à: sujetcapital@pwlcapital.com

De plus, si vous aimez notre podcast, partagez-le avec votre famille et vos amis et si vous n'y êtes pas abonné, faites-le SVP.

Encore une fois, merci d’être à l’écoute et joignez-vous à nous pour notre prochain épisode à paraitre le 23 novembre.

À bientôt!