1) INTRODUCTION
François Doyon La Rochelle :
Bienvenue à Sujet Capital, un balado mensuel à propos de la gestion passive de portefeuille et de la planification financière et fiscale pour les investisseurs à long terme.
Vos hôtes pour ce balado sont James Parkyn et moi-même François Doyon La Rochelle, tous deux gestionnaires de portefeuilles avec PWL Capital.
Au programme aujourd’hui pour l’épisode #67 nous passons en revue les résultats d’un rapport de recherche du Dr Hendrik Bessembinder publié en juillet 2024 intitulé “Which U.S. Stocks Generated the Highest Long-Term Returns?” ou en français « Quelles actions américaines ont généré les rendements à long terme les plus élevés ? »
Bonne écoute !
2) POURQUOI LA DÉTENTION D’ACTIONS INDIVIDUELLES DANS UN PORTEFEUILLE A UNE FORTE PROBABILITÉ D’ABOUTIR À UN RÉSULTAT NÉGATIF
Francois Doyon La Rochelle :
Nous sommes de retour après une courte pause pour l’été, j’espère que nos auditeurs ont su prendre un peu de repos. Donc je vais commencer par introduire le sujet. Je pense que nos auditeurs le trouveront très instructif. La croyance concernant les actions est qu'à long terme, vous gagnerez de l'argent malgré la volatilité à court terme. Ce qui se perd dans cette croyance fondamentale en matière d'investissement, c'est qu'en réalité elle ne s'applique réellement qu'à l'achat de l’ensemble du marché. Nos auditeurs réguliers savent qu’on préconise les FNBs de marché total comme étant la solution optimale pour la plupart des investisseurs individuels. Il était donc intéressant de voir de la recherche qui soutient fortement cette stratégie d'investissement. Cet été, un économiste financier universitaire que nous suivons, Hendrik Bessembinder, professeur à la W.P. Carey School of Business de l'Université de l’Arizona, a publié un rapport de recherche qui démontre que la détention d'actions individuelles dans un portefeuille a une forte probabilité d'aboutir à un résultat négatif. James, pourrais-tu nous parler un peu plus des conclusions du professeur Bessembinder ?
James Parkyn :
Merci pour cette introduction, François. Selon moi, ce nouveau rapport de recherche remet en question certaines notions fondamentales adoptées par les investisseurs concernant les actions. La plupart des investisseurs savent que le marché boursier a produit des bons rendements à long-terme. Dans son rapport de recherche de juillet 2024 intitulé « Which U.S. Stocks Generated the Highest Long-Term Returns ? » ( ou en français : Quelles actions américaines ont généré les meilleurs rendements à long terme ?) Bessembinder a analysé les rendements de 29 078 actions ordinaires cotées en bourse contenues dans la base de données CRSP (Center for Research in Security Prices) de l'université de Chicago, sur la période 1926-2023.
Ses principales conclusions sont les suivantes :
- En moyenne, les entreprises n'ont figuré dans les données du CRSP que pendant 11,6 ans.
- La durée de vie médiane d'une société cotée en bourse n'est que de 6,8 ans.
- Seuls 31 titres ont été présents dans la base de données sur l'ensemble de la période de 98 ans.
- La majorité de ces titres (51,6 %) ont eu des rendements cumulés négatifs - la plupart des actions ont donc perdu de la valeur.
- Le résultat médian est un rendement de -7,41 % par an.
- La moyenne des rendements composés est fortement positive, tandis que la médiane est négative, ce qui s'explique par l'asymétrie positive de la distribution des rendements composés des actions. C’est du jargon technique, mais ce qu'il veut dire, c'est que les actions les plus performantes sont à l'origine du résultat positif du marché boursier dans son ensemble.
- Même en limitant les données aux actions ayant un historique d'au moins cinq ans (mais pas plus de 20 ans), la majorité d'entre elles ont produit des rendements négatifs.
- Même parmi les 30 actions ayant les rendements composés cumulés les plus élevés, les résultats sont relativement modestes : le rendement médian annualisé des 30 actions est de 13,03 %, tandis que la moyenne est de 13,05 % et que le rendement le plus élevé est celui du groupe Altria, qui est de 16,29 %. Je crois qu’ Altria est une compagnie que la plupart des investisseurs ne connaissent pas. Il s'agit de l'ancienne Philip Morris, le fabricant des cigarettes Marlboro. Pour moi cette constatation est compréhensible, puisque les rendements composés inclus le rendement sur des rendement.
Francois Doyon La Rochelle :
Ces résultats vont surprendre la plupart des investisseurs. Le fait que la majorité (51,6 %) de ces actions aient des rendements cumulés négatifs me surprend également. Mais compte tenu de la qualité des performances du marché des actions américaines au cours de cette période de près de 100 ans, je pense qu’on doit supposer que les performances négatives ou médiocres de la plupart des actions sont éclipsées par les rendements élevés des quelques grands gagnants.
James Parkyn :
Pour soutenir ton argument, François, je vais citer à nouveau Bessembinder : « Un peu plus de 4 % des actions cotées en bourse aux États-Unis depuis 1926 sont responsables de la totalité de l'augmentation net de la richesse des actionnaires. En d'autres termes, l'augmentation de la richesse à long terme sur le marché boursier est concentrée sur un nombre relativement restreint d'actions ».
Francois Doyon La Rochelle :
James est-ce qu’il y a d’autres surprises qui ressortent de cette étude ?
James Parkyn :
Une autre surprise est que de nombreuses compagnies ne restent pas très longtemps sur les marchés publics. Comme je l'ai dit un peu plus tôt, en moyenne, les actions ne sont négociées que pendant 11,6 ans, la durée médiane étant encore plus faible (6,8 ans). Sur les 29 078 actions analysées, seules 31 ont survécu pendant 98 ans, à partir de décembre 1925. Les sociétés cotées en bourse ont donc un gros problème de survie. Les entreprises sont souvent radiées ou exclues des marchés boursiers en raison de leurs mauvaises performances, ou bien elles sont fusionnées ou rachetées pour disparaitre éventuellement.
Francois Doyon La Rochelle :
Puisque seulement 4 % des actions génèrent toute la richesse, que dit le professeur Bessembinder à propos de l'investissement passif dans tout ça ?
James Parkyn :
C'est une excellente question, François. Le dernier rapport de recherche de Bessembinder ne traite pas spécifiquement de la gestion passive. Ceci dit, ses recherches antérieures font allusion à cette approche d'investissement. Lors d'un récent podcast sur ce rapport avec Meb Faber, il a confirmé qu'il investissait passivement pour lui-même. En plus, ce dernier rapport s'appuie sur des recherches antérieures qui ont également révélé que la plupart des rendements du marché provenaient d'un petit nombre d'actions très performantes. Bessembinder a publié en 2020 un rapport de recherche intitulée « Wealth Creation in the US Public Stock Markets 1926-2019 » (ou en français Création de richesse sur les marchés boursiers publics américains 1926-2019). Dans cette étude, il a analysé les résultats à long terme des marchés boursiers en termes d'augmentation ou de diminution de la création de richesse pour les actionnaires, par rapport à un indice de référence des bons du Trésor. J’aimerai souligner aussi que c’est Bessembinder qui est à l’origine de cette notion de création de richesse pour les actionnaires, comme mesure d’évaluation de performance, qui prend en compte l'historique complet des distributions et de l'appréciation du capital.
Francois Doyon La Rochelle :
James, c’est quoi la principale conclusion de cette étude de 2020 ?
James Parkyn :
Pour moi, François, c'est que les 86 actions les plus performantes, qui représentent moins d'un tiers de 1 % du total des titres de la recherche, sont collectivement à l'origine de plus de la moitié de la création de richesse. Et les 1 000 actions les plus performantes, soit moins de 4 % du total des actions, ont été à l'origine de toute la création de richesse, les 96 % des actions restantes n'ont fait qu'égaler le rendement des bons du Trésor, qu’on dit sans risques, à échéance d’un mois !
Il dit essentiellement que les actions gagnantes ne sont pas faciles à trouver, sauf a posteriori. J'ai une citation de lui que j’aimerai partager avec nos auditeurs : « La seule façon d'être certain de détenir les actions qui s'avèrent être les futures grandes gagnantes est de détenir toutes les actions » dans un fonds indiciel largement diversifié.
Francois Doyon La Rochelle :
Nos auditeurs réguliers savent qu’on pense également que « le stock picking est très difficile », même pour les professionnels. Je pense qu'il est juste de dire que ces dernières recherches confirment notre conviction que l'investissement passif est le seul moyen fiable pour la plupart des investisseurs individuels de générer des rendements élevés. James, est-ce qu’il y a quelque chose d’autre que tu voudrais ajouter ?
James Parkyn :
Notre bon ami Larry Swedroe, qu’on cite souvent dans notre podcast, a récemment examiné ce rapport de recherche. Je vais citer un extrait de son article paru dans le Financial Advisor Magazine Online, et je cite : « Puisque les données historiques indiquent qu'il est probable que la création/destruction nette de richesse attribuable à l'ensemble du marché boursier à l'avenir sera concentrée dans un nombre relativement restreint d'entreprises, et qu'il est peu probable que la gestion active profite de cette concentration, la stratégie gagnante consiste à éviter la sélection active de titres et/ou le market timing. »
Francois Doyon La Rochelle :
Je suis tout à fait d'accord avec ce que dit Larry. D’un côté, c’est vrai que le marché est actuellement concentré dans les Sept Magnifiques, mais on ne peut pas deviner quelles seront les actions les plus performantes dans le futur. La meilleure option est de rester grandement diversifié afin de toutes les détenir. Une autre façon de dire ça est que l'achat du marché boursier dans son ensemble, a un rendement espéré positif, mais que ce n’est pas le cas avec l'achat d'actions individuelles.
En conclusion, James, quels sont les principales conclusions pour nos auditeurs ?
James Parkyn :
Nos auditeurs devraient retenir qu'il est très peu probable qu'ils obtiennent des résultats positifs en investissant dans des actions individuelles. Il est très tentant de suivre la récente surperformance des Sept Magnifiques, mais cette surperformance exceptionnelle n'est observable qu'avec le recul.
Je reviens à Larry Swedroe pour résumer et je le cite : « Les investisseurs commettent des erreurs lorsqu'ils prennent des risques idiosyncrasiques, diversifiables et non rémunérés. Ils le font parce qu'ils ont trop confiance en leurs connaissances, qu'ils surestiment la valeur de leurs informations, qu'ils confondent ce qui est familier avec ce qui est sûr, qu'ils ont l'illusion d'avoir le contrôle, qu'ils ne comprennent pas combien d'actions individuelles sont nécessaires pour réduire efficacement les risques diversifiables et finalement qu'ils ne comprennent pas la différence entre les risques rémunérés et les risques non rémunérés ».
Francois Doyon La Rochelle :
J'ajouterais James, qu'en adoptant les FNBs passifs de marché total, vous obtiendrez toutes les chances de bénéficier de petites différences dans les rendements annuels qui mèneront à des différences importantes dans les rendements cumulés. Laissez la magie de la capitalisation opérer pour vous.
3) CONCLUSION
François Doyon La Rochelle :
Merci James Parkyn d’avoir partagé ton expertise et ton savoir aujourd’hui.
James Parkyn :
Avec plaisir. François.
François Doyon La Rochelle :
Hé bien c’est tout pour ce 67ième épisode de Sujet Capital! Nous espérons que vous avez aimé.
N’hésitez pas à nous envoyer vos questions et suggestions. Vous pouvez nous joindre par courriel à: sujetcapital@pwlcapital.com
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Encore une fois, merci d’être à l’écoute et joignez-vous à nous pour notre prochain épisode à paraitre le 23 octobre. N’oubliez pas de consulter le site Web de sujet capital pour voir nos derniers blogues.
A bientôt.